STURZELBRONN, son histoire

Au 6e siècle, Benoît de Nursie (480 - 547), moine italien d'origine noble, fonde l'ordre des bénédictins et établit la règle très stricte de cet ordre. La prière et le travail (ora et labora) rythment la journée des moines.
Au fil des siècles cette règle se relâche et le 21 mars 1098, des moines bénédictins conduits par Robert de Molesme, soucieux de restaurer dans toute sa rigueur la Règle de Saint Benoît, fondent un monastère à Cîteaux. Ils viennent de poser la première pierre d'un édifice monastique nouveau, l'ordre cistercien, qui va profondément marquer le 12e siècle à la fois par son esprit de réforme, par l'originalité de son organisation et par sa puissance économique. Le successeur de Robert de Molesme troque l'habit noir des bénédictins contre une robe blanche de laine non teinte (moines gris) et le troisième abbé, Etienne Harding (1109-1133) compose les statuts de l'ordre appelés « Charte de charité ».
L'arrivée au monastère en 1112 du jeune Bernard de Fontaine, futur Saint Bernard accompagné d'une trentaine de parents et amis est à l'origine de l'essor de l'ordre cistercien qui essaime rapidement et, en quelques années les "quatre filles aînées" de Cîteaux furent fondées : La Ferté (1113), Pontigny (1114), Clairvaux (1115) et Morimond (1115).

Depuis La Ferté, les moines s'établirent à Maizières en Bourgogne en 1132 et de là, l'abbé Ortlibius et ses 12 moines avec leurs livres s'installèrent à Sturzelbronn en 1143 et fondèrent l'abbaye Vallis Sanctae Mariae (Val de Sainte Marie). Simon 1er, duc de Lorraine, un ami de Saint Bernard de Clairvaux, avait donné en 1135 aux Cisterciens une partie de ses vastes domaines dans la vallée de Sturzelbronn. Les ducs de Lorraine furent toujours les protecteurs du monastère fondé par leur ancêtre. D'ailleurs, son fondateur, Simon I y trouva sa sépulture (1139) ainsi que Simon II (1205), Thiébault (1220) et son épouse Gertrude de Dabo (1225), de même que d'autres nobles de la région.

En 1525, une troupe de paysans révoltés gagnés par l'idée de la Réforme luthérienne, occupa l'abbaye et brûla la bibliothèque et les archives. L'abbaye fut détruite de fond en comble pendant la guerre de Trente ans, lorsque les Suédois assiégèrent le château de Bitche en 1633. Seule la maisonnette du portier resta debout. Aux pillages et aux massacres de la soldatesque s'ajoutèrent encore la famine et les ravages de la peste à tel point que le comté de Bitche fut totalement dépeuplé.

La vallée de Sturzelbronn commença à revivre à partir de 1687.

La reconstruction de l'abbaye eut lieu sous les Abbés Fournier (+1711) et Mahuet (1711-1740 ). Partout les Cisterciens firent valoir leurs droits en délimitant leurs terres par des bornes dont certaines existent encore aujourd'hui. Ils ne pouvaient pas savoir que tous leurs efforts seraient à nouveau anéantis avant la fin du siècle et que la révolution les chasserait définitivement de la vallée.
L'abbaye cistercienne de Sturzelbronn n'a jamais été très florissante et n'a jamais essaimé. En 1790, elle n'était occupée que par neuf religieux. L'arrêté du département du 17 juin 1791 qui fixait le nombre de maisons religieuses conservées, ne mentionnait pas celle de Sturzelbronn, malgré une démarche faite en sa faveur par le district de Bitche. Le département envoya les religieux de Sturzelbronn qui voulaient conserver la vie commune à Justemont. Le prince de Hesse-Darmstadt, souverain du comté de Hanau, profita de l'occasion pour imiter le gouvernement révolutionnaire français et séquestra les biens de l'abbaye situés dans ses états. L'administration du district de Bitche estimait en 1791 les revenus de ces biens à 20.000 livres par an.

De son côté, la municipalité de Sturzelbronn, qui avait appris l'arrêt de suppression, fît (délibération du 4 septembre 1791) des démarches afin de se faire attribuer l'église de l'abbaye, car l'ancienne église paroissiale ne pouvait contenir que le quart des paroissiens. Elle demanda aussi à conserver deux des cloches de l'abbaye, tant pour appeler aux offices les habitants très dispersés que pour les rassembler en cas d'incendie dans l'une des censes ou dans les bois, ainsi qu'en cas d'attaque des bohémiens toujours en nombre dans les forêts. Le district décida le 12 novembre 1791 que la plus forte cloche suffisait à ces louables intentions et le Département ratifia sa décision.
Le dernier religieux, le P. Joseph-Wendelin Anthon, chargé de desservir la cure de l'abbaye depuis le mois de juillet 1790, avait continué son service. N'ayant pas prêté le serment voulu par la constitution civile du clergé, il partit clandestinement, avant le 10 septembre 1792, en raison du décret du 24 août 1792, ordonnant aux prêtres réfractaires de quitter la France dans les 15 jours, sous peine de mort.

Dès le 31 mars 1791, le district de Bitche avait procédé progressivement à la liquidation de l'abbaye dont un premier inventaire fut fait par la municipalité de Sturzelbronn le 17 mai 1790. Les effets mobiliers de l'abbaye furent mis aux enchères à Bitche entre le 10 avril 1792 et le 12 novembre 1792. On n'avait pas voulu faire ces enchères au village même de Sturzelbronn qui ne pouvait fournir ni attirer beaucoup d'amateurs.
La ville de Bitche acheta pour 768 livres l'horloge de l'abbaye qui avait six pieds de long, quatre de large et trois de haut. Les orgues allèrent à Sarrelouis, la chaire à Roppeviller, un confessionnal à Breidenbach, une des grosses cloches à Haspelchiedt, l'autel baroque à Loutzviller. Les boiseries du choeur se trouvent encore aujourd'hui en l'église Saint Pierre et Paul de Neuwiller-les-Saverne.

Le 21 décembre 1793, l'administration décida de faire enlever de l'église de l'abbaye la grille en fer ainsi que les ferrures inutiles à la conservation des bâtiments; on les enverrait à Metz où elles serviraient à fabriquer des armes. Antoine Heim, cabaretier à Sturzelbronn accepta de se charger de ce travail de démolition.
La vente des bâtiments de l'abbaye n'eut lieu que plus tard. Tant que les troupes défendirent les frontières, ils leur servirent sans doute de casernement. Une première adjudication eu lieu le 4 septembre 1796. Le couvent et l'église furent mis aux enchères le 13 juillet 1798 et adjugés par lots à des bourgeois de Metz et de Sarreguemines. Les nouveaux propriétaires se hâtèrent de tout démonter. L'église abbatiale fut démolie en 1807. L'abbaye n'existait plus.

La statue de Saint Bernard érigée en 1935 et seuls les quelques vestiges rappellent au passant qu'une abbaye existait en ces lieux.
              

   
(Extrait du livret-guide du circuit découverte des vestiges de l'Abbaye de Sturzelbronn.)